Des routes qui divergent...
Jeudi 17 novembre
Nous nous réveillons au sec malgré le déluge de la nuit. La tente achetée à Athènes est étanche, c’est déjà ça. Nous prenons la route vers 9h30 après avoir fait le plein d’eau potable au café-du-coin-de-la-rue où une cinquantaine de joueurs de cartes sont déjà en action. Le vent est impressionnant, il souffle de face et ralentit considérablement notre progression tout en demandant plus d’efforts. A la frontière grecque, on nous refuse catégoriquement la traversée de la zone militaire qui sépare les deux pays, longue de deux kilomètres. Malgré notre insistance, c’est à bord de deux camions que nous rejoignions
Remi :
Alexis est donc parti devant. J’attends au vent un camion qui semble ne jamais arriver. Son chauffeur pourrait pourtant me conduire jusqu'à Istanbul. Au bout d’une petite heure, je perds patience. Voyant un camion de la voirie à
Nous passerons bien 2h sur la route a rétablir les panneaux d’indications tombes a cause du vent avant qu’ils ne déposent proche d’un hôtel du centre de la ville. Kesan compte 40.000 habitants. Ces derniers me scrutent littéralement à mon passage avec le chariot. Les ados qui sortent de l’école (ils sont reconnaissables grâce a leurs uniformes), très curieux, me lancent des « Hello, how are you ? Where are you from ? ».
Les hommes, s’ils ne fument pas, mâchouillent des graines de tournesol, qu’ils crachent ensuite par terre.
Il est 17h30. Le dernier bus pour Istanbul était a 17h. Je dois me résigner a coucher a l’hôtel ce soir. C’est 10 euros. Les draps sont propres, TV, salle de bain. Tout confort. Si on fait abstraction de la chasse d’eau qui déverse des litres d’eau sur mes pieds et des quelques cafards qui rampent au sol…
A 18h30, je tente de retrouver Alex au rond-point qui marque l’entrée de la ville. Je rentre une heure plus tard, persuade qu’il couchera dans un autre hôtel que le mien.
Je passerai donc la soirée seul. Je n’ai plus qu’à me fondre dans la masse. Difficile néanmoins quand on est blond a lunettes. Tous ici sont bruns et arborent une belle moustache. Les graines de tournesol n’y feront rien…
Je dîne dans une cantine où je peux choisir parmi bon nombre de plats. Pour 6 lires (4euros), je mange bœuf aux petits légumes, riz pilaf. Un délice.
Dans le restaurant, je m’essaye aux quelques mots de turc appris dans la journée. Ses occupants sont amuses de voir parler un étranger ainsi. Je rentre ensuite à l’hôtel.
A peine arrive, je suis invite par Mustafa pour prendre un thé. Ce serait impoli de refuser. Il me sert en plus deux pâtisseries. Puis un deuxième thé, puis une cigarette, que je refuse…
Des vieux jouent aux cartes autour de moi. Ils m’interrogent aussi. Les discussions dérivent vite sur le foot, sujet qu’ils affectionnent avec les français car Anelka joue au Fenerbahce, Tigana entraîne le Besisktas, deux clubs d’Istanbul.
Je vais me coucher avec le sentiment que nous allons aimer
Alexis :
La route est pénible, rectiligne et trop passagère. Les automobilistes turcs ne semblent pas si dangereux qu’on nous l’a laissé comprendre, même si le respect du code de la route laisse parfois à désirer. Ainsi je suis doublé par une vieille voiture conduite par…un enfant ! Bien sûr il est sur les genoux de son père mais c’est lui qui est concentré sur la route pendant que son père me salue des deux mains !
J’ai parcouru une dizaine de kilomètres lorsqu’un camion jaune s’arrête à ma hauteur. C’est Yilmaz, mon chauffeur stambouliote qui m’invite à cesser de me fatiguer contre le vent pour prendre place dans son gros bahut, direction Istanbul. J’hésite, je réfléchis, regarde la route dont je ne vois pas la fin puis je craque. Je descendrai à Tekirdag, à 125 kms d’Istanbul et je me promets de faire ce trajet en trois étapes. Le long de la côte ça peut être beaucoup plus agréable.
Après
Tekirdag est une grande ville située sur les rives de la mer de Marmara. J’y déniche un petit hôtel bon marché et profite de la soirée pour prendre le pouls de la vie en Turquie. Je suis surpris par l’animation qu’il y’a dans la rue, par les couples qui se tiennent la main, par la jeunesse branchée qui s’offre une pâtisserie après les cours, par les publicités pour la bière locale et par la ville en elle-même, bien éclairée, propre et parsemée de petits supermarchés dont les enseignes sont bien connues en France. N’en déplaise à certains hommes politiques, cette partie de
Vendredi 18 novembre
Alexis :
Ce matin la température est fraîche et le temps ne se lève pas. A 13h il fait seulement
J’ai repris la marche depuis une demi-heure lorsqu’un fourgon blanc s’arrête à ma hauteur. Rémi en descend tout excité. Il vient d’être pris en stop et le chauffeur le conduit directement à Istanbul. Je refuse de les accompagner, je me suis juré d’attendre la métropole à pied. Et pourtant ce n’est pas la tentation qui manque : il pleut, il fait froid, il y’a du vent et de la mer que je longe je ne vois rien puisque toute la côte est sauvagement bétonnée. A l’étape j’ai parcouru
Remi :
Réveil a 8h30. Je prépare tranquillement mes affaires. Sors faire quelques courses. Puis me dit qu’il serait stupide de prendre un bus a 10 euros pour Istanbul sans avoir tente le stop. Je rentre dans une boulangerie. 4 vieux s’y trouvent. Afin d’assouvir leur curiosité j’imagine, ils m’invitent a prendre un thé. Nous causons encore de Tigana, Anelka, et des violences urbaines, principales associations d’idées liées à
Puis je lance cette idée de faire du stop d’ici jusqu’à Istanbul. « No problem », me répondent-ils en cœur. Je pars chercher mes affaires à l’hôtel avant que l’un d’entre eux ne me dépose à une station service à la sortie de la ville. Il prend même le temps de m’écrire un mot en turc expliquant ma démarche. Deux minutes plus tard, j’embarque dans le Trafic de Repüp, un livreur de médicaments en pharmacie. Formidable timing.
Je ne vais néanmoins pas jusqu'à Istanbul. Il me dépose à Tekirdag, à
Le trajet passe vite. Nous parlons encore de lui, de foot, mais aussi d’Istanbul. Du temps à venir aussi. « Dans trois jours, il neigera » me confie-il. La météo s’est largement refroidie, ici, à
Le long de la chaussée grasse, des hommes vendent du thé au verre. Les boutiques de ce quartier, elles, sont spécialisées dans les articles de musique.
Samedi 19 novembre
Alexis :
Aujourd’hui j’ai décidé de quitter la nationale pour bifurquer dans les terres. Je décolle à 7h30 avec la ferme intention de « gouter » à l’hospitalité turque des villages. Il pleut encore, il vente toujours…déprimant. Sur le chemin, Ergün, un garçon de 15 ans décide de m’accompagner un bout de chemin. Il est d’un physique plutôt rondelet et sue à grosses gouttes après deux kilomètres. Nous atteignons son village après
Et puis soudain, changement de programme. Un des clients se lève et m’invite à passer la nuit chez lui. C’est le seul qui bafouille quelques mots d’anglais et il me fait comprendre qu’ici, je peux avoir des problèmes, chez lui je serai le « misafir », l’hôte. Je suis soulagé. Osgur a une bonne tête et a plein de choses à raconter. Marin de profession, il a voyagé sur tous les continents et est fier de me présenter ses passports et quelques photos. Il vit avec sa mère, sa sœur, son beau-frère et son neveu dans une petite maison du village. Il m’offre l’unique chambre de la maison pour la nuit pendant qu’ils dormiront tous ensemble dans le petit salon. J’ai beau m’épuiser à lui dire que je ne veux pas de ce traitement de faveur, je dois accepter. Tout comme les dix verres de thé que nous prendrons ensuite dans le café beaucoup plus fréquentable dont son père était propriétaire jusqu’à sa mort. Son portrait est accroché au mur, il ressemblait à si méprendre à Michel Galabru. Ce soir il y’a une journée du championnat de football turc et je compte plus de 80 habitués dans le bistrot. Les yeux rivés sur l’écran, la cigarette à la main et le thé sur la table, ils suivent avec ferveur la rencontre.
Dimanche 20 novembre
Alexis :
Osgur est persuadé que je marche parce que je n’ai pas d’argent. Après m’avoir offert du thé toute la soirée, l’hospitalité et le petit déjeuner à 6h00 (les turcs sont très matinaux et se rendent tous au café après la première prière), il me glisse de force un billet de 5 YTL dans la poche (env 3€) pour que je prenne le bus qui part à Istanbul. Tétu comme une mule, je continue à pied pendant 20km et décide de prendre un bus pour rejoindre le centre d’Istanbul alors que j’entre dans la proche périphérie de la gigantesque ville de 12 millions d’habitants qui s’étend sur plus de 100 kms de large. Je prends successivement le métro et un funiculaire pour rejoindre le quartier de Taksim niché sur l’une des sept collines de la ville. J’y retrouve Clément et Florian, deux étudiants de l’ESSCA qui se proposent de m’héberger en attendant la délivrance de notre visa iranien. Rémi lui est chez Damien, un autre étudiant de l’école. Vive la solidarité étudiante.